Je reviens d’Athènes,
Il est indescriptible l’état dans lequel se retrouve mon pays.
Par quoi commencer ?
Par l’état de corruption de l’appareil de l’état et du gouvernement ?
Par la colère et le désespoir d’une grande partie des gens ?
J’essaie d’organiser mes idées, merci de votre patience de me lire :
Ce que tout citoyen grec sait (et que, quasiment tous les médias
admettent), c’est que le gouvernement vend notre pays, ses terres
publiques, ses lacs ( et ses ports, ses autoroutes, ses services
publiques), de façon illégale, depuis longtemps.
Hier, le premier ministre » a pris la responsabilité en personne » disant
qu’il « n’avait pas compris » ce qui se passait depuis de longues années
avec l’affaire dite » Monastère Vatopaidiou » et qu’il ne recherchera pas
de responsabilité politique (et encore moins pénale) pour un scandale
auquel au moins une dizaine de ministres en poste sont impliqués et
devraient démissionner s’ils avaient un peu d’honneur…
D’autre part, notre état ne versera pas les retraites ni ne couvrira les
frais de santé de personnes âgées et handicapées ayant cotisé pendant
des années. Les médecins conventionnés refusent dorénavant de soigner
les malades s’ils ne reçoivent pas à l’avance, en argent comptant, la
totalité de leurs honoraires, car la sécurité sociale ne prend plus en
charge la somme qu’en théorie elle doit prendre en charge. Les
pharmaciens refusent aussi dorénavant de donner de médicaments, s’ils ne
reçoivent pas la totalité des prix indiqués, pour les mêmes raisons,
pour la même défaillance de la sécurité sociale (IKA) grecque.
Les salaires des jeunes en plein temps (diplômés de deuxième ou de
troisième cycle ) sont de l’ordre de six cents ou sept cents euros net
par mois. Dorénavant, vu que la flexibilité de l’emploi va être d’une
toute autre nature, un employeur pourra engager sur un seul poste deux
personnes, chacun étant payé à mi-temps, le salaire étant divisé en deux
parties égales. Or, en cas de maladie d’une des deux personnes attachées
au poste, l’autre salarié aura l’obligation de remplacer l’absent sans
aucune récompense de salaire supplémentaire…
Il semble que les personnes âgées et handicapées et les agriculteurs
seront aussi dans la rue bientôt, bloquant, les uns, avec leur chaises
roulantes, les places publiques, les autres, avec leurs automobiles, les
autoroutes.
Ils manifesteront leur désarroi aux côtés des étudiants, lycéens,
collégiens, immigrants, employés, cadres moyens ou supérieurs,
marginaux, citoyens qui se sentent « trahis » par l’état de décomposition
de ce que nous avions -il y a longtemps- convenu d’appeler « LA CITE »…
Des arrestations de plusieurs jeunes et de manifestants ont eu lieu mais
il semble que se sont les immigrés qui en sont le plus visés.
Ce qui se joue en Grèce, aujourd’hui, est non seulement la crise
financière internationale et locale et ses conséquences matérielles,
mais aussi la noblesse du coeur et de l’esprit de ses citoyens qui
exigent de ne plus être pris pour des « moutons » ne comprenant rien, ne
réagissant pas aux absurdités écrasantes.
Espérons que les Grecs, jeunes ou moins jeunes, ne supportent plus un
mécanisme d’état complètement corrompu et inefficace (qui a été
responsable du fait que la moitié du pays a brûlé l’année dernière, sans
secours).
Espérons que l’on ne supportera plus l’hypothétique « régulation » de
l’économie par le marché (sachant que plus d’un billion d’euros en
chèques « en bois » ont été repérés depuis novembre dernier sur le marché
d’Athènes…).
Et que des économistes éclairés plaideront à nouveau pour l’Etat
-Providence.
Demain, 18 décembre, des manifestations auront lieu dans toutes les
villes grecques.
Six cent collèges et lycées sont déjà occupés, la majorité des
universités, des mairies, des radios, des plateaux de télévisions…
Une grande fête, fière, joyeuse, dangereuse et coûteuse aussi – tout
comme manipulable, et fragile.
Pensons-y…
Pour finir ce « reportage » qui n’en est pas un, voici une adaptation du
chant d’un groupe de rockers (Kitrina Podilata), à la mémoire de
l’adolescent assassiné, Alexis Grigoropoulos .
« Je tourne le dos à l’avenir
que vous m’avez construit
sans demander mon avis
Sur de terrains brûlants
je retrouve mon élan
je donne des coups de pieds
à vos chemins
Je me laisse habiter
par une humeur panique
humeur sacrée, antique
Je prends de l’élan
les rues dansant
je donne des coups de pieds
à vos carcans
Toutes vos armées de policiers
ne suffiront pas
pour empêcher
ma volupté
de vous voir trembler
devant ma soif
de liberté
Alexis,
je ne t’oublie pas
tu vis dans mon coeur
Alexis
je n’oublie
ni notre Héllade,
ni notre Terre
ôtons-les
d’entre les mains
des assassins,
des faussaires
rendons à Héllade
son coeur
sa dignité
son bonheur
Ah,
les copains
Ah,
Aléxis
rendons à la Terre
son coeur
sa santé
son bonheur
Chassons les imposteurs,
banquiers, politiciens, clergé,
bonimenteurs…
Je tourne le dos à l’avenir… »
Anastassia