L’amour d’écrire (encore)

Voici mon rapport (tardif) sur la soirée L’amour d’écrire en direct organisée le 14 avril dans la salle Le vent se lève (La Villette) par Marc-Michel Georges. Les écrivains invités étaient : Denis Baronnet, Agnès Dominici, Moni Grégo, Christophe Roturier. Jury : Pamela Edouard et le public (nombreux). And the winner wax : Christophe Roturier.

Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? Des sifflets serpentins par dizaines et des langues colorées déroulant leur humeur, versatile agaçante et gourmande surgissant de cent bouches affamées se massant aux abords d’une scène. Camés de mots, de mots, Léon, caméléons aux langues de glu. Les gloutons déglutissent, dévorant mot à mot à la bouche des mouches qui les couchent aux rayons lumineux de quatre tables en métal, guéridons dans un cercle de lumière où se pressent quatre abeilles laborieuses agitées des élytres et soumises au dictat des minutes sous le règne d’un soleil éphémère. 7 minutes top chrono pour sortir dans la fièvre de leurs pattes de mouches à partir d’un pollen imposé tout le miel de leurs mots qui s’étalent, sueurs d’encre sur pétales angoissés de page blanche, en vermeils filaments, perles de mots à rosée, arrosés d’inconscients exposés. 7 minutes sous les airs d’Offenbach, une mezzo enivrée et un gris flamboyant baryton ton sur ton qui nous chantent les chansons à tonton. 7 minutes sous l’écran délirant d’un clown blanc schizophrène et dansant déchiré en deux moi divorçant en deux mots, le mot moi et le moi à l’envers et comprenne qui pourra mais pas moi. 7 minutes et le gong, rugissement enroué de la nuit d’un vieux lion cacochyme dans son mal d’aurore, le pelé des savanes oublié de l’arène, de l’arène des abeilles butinant tous les mots balancés : une savate, un beau comme, une rencontre fortuite, une table de dissection, un parapluie, une machine à coudre et un iconoclaste. Gare au lion avaleur de vils verbes à l’aval. L’autre est amont, Isidore, le dormeur bien vivant qui n’est pas mort ce soir comme le vieux lion gobeur de gouteuses mouches à mots. Et elle court la gazelle. L’autre, la gazelle, danse sa danse des abeilles sous le verbe arc en ciel, ô le Rimbaud Warrior des verts mots! Le mot rit, tu ris. Je te salue gladiateur, auteur de l’arène, combattant de mille mots. Je lève mon verre, écrivain, pas en vain, à tes phrases déroulées en rubans d’ADN. A ton Acide Désoxyribo Nucléique qui enroule en hélice tous tes mots molécules, tes mots dits de poète, tes vers blancs, tes vers veines rouges ou bleus. Les vers veines ne mentent pas, ni vers l’âme ni vers l’aine. A ton Adénosine triphosphate aussi où phosphore le suc si précieux de ton adrénaline créatrice. Toi l’acharnée butineuse qui te bats contre vents et marées pour garnir nos rayons de ton miel, toi qui te risques aux abords de la langue tournée et poisseuse du tue-mouches et ses mots endormis, les éculés des mouches. Toi qui fais face ce beau soir sur la scène à la foule bigarrée des camés et Léons de La Villette aux grandes langues enroulées et qui sifflent sur nos têtes. Tu fais Ourcq en avalant ta glotte et hoches la tête incrédule aux paroles d’une linotte qui te sert en dessous de ceinture tout un plat indécent pour l’auteur que tu es. Alors tu t’élèves, 7 minutes et pas plus, mais pas trop en métro aérien et tu sors du sous sol de la langue, où s’agitent scarabées scribouillards et Sysiphes cryptographes, des mots mets enfilés du métal de ton style et des phrases viaducs pour transports en commun. Quatre épreuves en stations avalées mot à mot, un supplice délicieux, aussi doux et exquis qu’un cadavre, et la messe nous est dite. Ite missa est. Un curé autrichien sans son chien nous attendra dehors après que nous eussions presque enjambé le cadavre d’un mannequin écroulé sous le poids de ces mots. Il est peintre mais plus drôle qu’un vieux chien autrichien aboyant aux étoiles de tissus qui mangeaient les poitrines. Il nous sert en hosties gigantesques, designées en icônes déconnantes, le corps blanc et de rouge lacéré à manger et sucré d’un très vieux cadavre sans son sang. Celui dont le père nous a laissé cette phrase du temps longtemps, du temps où les poules avaient encore toutes leurs dents: « au commencement était le verbe ». Ce sera mon dernier mot, Marc-Michel. Et merci pour cette soirée qui vaut bien un retour. Alain Foix

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