Aujourd’hui, grand jour. Les postulants au baccalauréat ont planché sur la traditionnelle épreuve inaugurale de la philosophie. Par quel miracle cette discipline persiste-t-elle encore dans le cursus de nos lycéens? En ces temps bien sombres du sophisme galopant où certains politiciens ont tendance à prendre des libertés avec la langue et le concept, où ce dernier fait l’objet d’une gadgétisation sans précédent, où la pensée unique, c’est à dire l’absence de pensée, la contre-pensée, ourdit une véritable machination contre la pensée critique, cela paraît une étrange persistance d’un temps révolu. Un acte de résistance intempestif. Pourquoi la philosophie puisqu’elle ne sert à rien et que l’école est devenue simple pourvoyeuse de main-d’oeuvre et de savoir-faire pour le commerce et l’industrie? On voit bien certaines tentatives pour la contraindre à servir des manoeuvres politiciennes. N’exhibe-t-on pas de temps à autre un dit philosophe gominé, brillant à force d’être astiqué pour rutiler sous les spotlights, et qu’on renvoie illico à la poussière de ses études dès lors qu’on estime qu’il a servi la cause? Et plus personne n’ose affirmer haut et fort que l’existence de la philosophie comme celle de l’art n’est pas liée à son utilité, et que c’est précisément pour cela qu’elle est nécessaire. Au lieu de chercher à utiliser les penseurs, ces politiciens feraient souvent mieux de retourner dans des ouvrages de philosophie lorsqu’il leur prend d’utiliser des mots comme ethnie, nation, identité, sujet, engagement, liberté, pour ne citer que ceux-ci dont le s discours actuels dégradent le sens. Et si on les faisait plancher sur cette question: « L’identité est-elle prison de l’être ou expression de sa liberté? » Allez, pour traiter d’une telle question, nous n’accordons pas quatre heures ni sept, mais le temps d’une législature. A la veille de la nouvelle élection, on ramasse les copies.
Vos mots parlent beaucoup à l’enseignante que je suis. En effet, quelle place pour la philosophie dans cette société où l’on tente de formater au maximum les jeunes esprits ?