Marée blanche sur le Mont Saint-Michel. Les producteurs de lait, montés au sommet de l’absurde, skient sur l’immaculée abjection de 11 millions de litres de lait qu’ils ont déversé sur tout le sol français. Quelque soient les raisons (hausse des quotas laitiers et faible rémunération des éleveurs) qui veulent justifier un tel acte de désespoir, il n’en reste pas moins que l’impensable se répand à nos pieds. Je le vois, je ne le crois pas. Comment est-ce possible. ? Comment est-ce pensable ? Ma mère me disait : « si tu te regardes trop longtemps dans la glace, tu vas voir le diable ». J’en ai fait l’expérience. Le diable se cache derrière notre propre image. A la fixer trop longtemps, nous effaçons le monde autour de nous. Le monde n’est plus. Il ne reste plus que l’image figée de notre visage derrière lequel se déploie peu à peu l’horreur d’un néant grimaçant dans les ténèbres Notre image nous échappe. Elle flotte désormais sur un monde dépeuplé et navigue sur son ombre. C’est maintenant Lucifer qui contrôle cette image. Il sort toujours fraîchement diplômé et bronzé d’une grande école de communication qui délivre des masters internationaux. Il a une Rolex au poignet et a tatoué sur son front : « celui qui n’a pas pu s’offrir une Rolex avant l’âge de 50 ans a raté sa vie. ». Les producteurs de lait ont fait appel à lui et ont signé du sang de leur désespérance au bas d’un parchemin. Ce vendredi 18 septembre, le Styx est un grand fleuve blanc qui déverse ses millions de litres de lait. Au bord du fleuve, un enfant édenté médite, le crâne chauve et le ventre gonflé par le vide d’une écuelle qu’il tient au bout d’un bras décharné. Il se dit que la vie est un enfer où la folie blanche avance à la vitesse d’un cheval au galop.
Cependant, des ingénieurs ont inventé un système informatique pour optimiser le moment de la traite d’une vache. Ils ont inséré un capteur dans son pis, et dès que le lait est prêt à s’écouler, elle envoie un sms à son éleveur. Qui a dit que le monde allait de mal en pis ?