Chose vue : une jeune et jolie beurette occupe toute en grâce et mouvements ondulatoires le comptoir d’un bureau de tabac, gare de Bondy. Elle s’y attarde. Derrière une telle dépense de séduction dans chaque geste, la queue de clients qui s’allonge prend patience et observe le manège, un sourire en coin. La belle est une enquiquineuse, elle prend un article, le repose, demande un briquet, non, celui-ci, c’est trop cher, elle le rend, critique ceci et cela. Le buraliste, un maghrébin d’une cinquantaine d’années, semble moins accessible au charme de la belle, et on voit l’impatience dessiner en grands traits noirs et gras ses sourcils, rides et commissures. Il est au bord d’exploser quand celle-ci se décide enfin. Elle n’achète rien et s’en va en tournant les talons (jolis talons). Un œil noir et de braise suit la flamme qui s’en va virevoltant sans briquet. Le buraliste, bras tombés, yeux au ciel, se lâche : « Ah ! La France. »
Tout est dit, rien à rajouter.
A propos, où en est ce débat imbécile sur l’identité nationale ?