Rue Saint Denis en Avignon

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Ci-dessous la lettre que j’ai adressée à l’association Ecrivains Associés au Théâtre qui m’a invitée au village d’Avignon OFF, à faire la lecture de ma nouvelle pièce Rue Saint Denis (en création pour le 3 février 2011 à la scène nationale de la Guadeloupe et reprise le 24 mars 2011 au théâtre de l’Epée de bois à la Cartoucherie de Vincennes, voir affiche ci-dessus). La publication de cette lettre a pour objet d’éclairer le lecteur sur les conditions réservées aux auteurs dans le réseau de diffusion du théâtre français.

Bonjour à tous Je souhaite faire un bref compte-rendu de mon expérience de lecture à Avignon.Tout d’abord, je voudrais remercier Pierrette pour cette excellente initiative qui devrait pouvoir se développer à certaines conditions. Concernant la lecture de ma pièce Rue Saint Denis, je puis affirmer que cela fut une expérience finalement positive pour les raisons suivantes :La salle était pleine, le public attentif malgré les conditions pour le moins difficiles, et les comédiens contents de leur prestation. La presse était là puisque France télévision est venue filmer et nous interviewer.  Les objectifs que nous nous étions fixés étaient pleinement atteints à savoir : tester ce texte en production devant un public, pousser la lecture en condition de représentation plus loin que nous ne l’avions fait dans nos séances de lecture sur table. Enfin, last but not least, profiter de ce temps singulier pour nous connaître mieux, boire, dîner ensemble, parler de choses et d’autres. Car une pièce de théâtre ce n’est pas seulement un texte, des comédiens et des personnages, mais des hommes et des femmes qui se rencontrent et vivent une aventure théâtrale commune. C’est une troupe, même si comme c’est malheureusement le cas généralisé, elle existe de façon éphémère. Le spectacle vivant, c’est d’abord cela, une histoire d’hommes et de femmes. La représentation est la face émergée d’un iceberg qui s’élève sur une structure plus profonde faite d’écoute et de connivence. A défaut de respecter cette dimension humaine, nous avons des œuvres qui ne déploient qu’une surface lisse, une esthétique apollinienne, une expression formelle voire maniériste. On en voit trop en ce moment. Pour le reste, il me semble illusoire d’espérer que les programmateurs se déplacent pour écouter une œuvre en lecture. Nous ne sommes plus du temps des directeurs artistiques qui, dotés d’une profonde culture, d’un jugement sûr et surtout d’un vrai courage, prenaient le risque d’un texte, d’un artiste inconnu, d’un projet. Il en reste quelques uns, bien heureusement, mais nous avons surtout affaire à des programmateurs, c’est-à-dire à des gens qui programment en fonction de l’idée qu’ils se font de « leur » public, de la réception par le public présent du spectacle qu’ils sont venus voir, de la médiatisation du spectacle (pas n’importe quel média, bien-sûr) et de la réputation du metteur en scène (l’auteur, c’est très secondaire), sans compter bien-sûr le phénomène grégaire toujours présent : je fais comme tu fais, c’est mode. Et bien-sûr, on confond en permanence mode et modernité. Ce jugement qui s’applique de façon générale, résulte à la fois d’une analyse des questions de la diffusion (je fus moi-même directeur artistique de lieux de création et de diffusion) et de la connaissance d’un milieu. Il est certainement injuste pour beaucoup qui font un vrai travail (mais on les connaît et on les applaudit). Il ne reste qu’à espérer que de nouvelles conditions de politique culturelle viennent les soutenir et grossir leur rang. On peut rêver. Et c’est une raison de plus de continuer comme le font les EAT à être présents là où ils sont et je réitère mes félicitations à Pierrette Dupoyer et aux EAT. Passons aux choses qui fâchent. Si j’ai des raisons d’être satisfait, je pense que je le dois essentiellement au fait que j’ai inscrit cette proposition dans mon processus de production et que cela a eu un coût intégré dans la production. La communication et la relation publique et médiatique ont eu leur effet, mais cela aussi a un coût. Je pense donc que l’initiative fut nécessaire et pas suffisante. D’autant que les conditions réelles d’accueil proposées par Avignon off furent réellement déplorables : une petite salle sans confort, surchauffée bien qu’accolée à une énorme centrale d’air conditionnée qui faisait un bruit de tous les diables. Un lieu mal signalé, une réception mal informée, ce qui a eu pour effet d’égarer des spectateurs qui ont fait l’effort de venir. Beaucoup sont arrivés avec près de 20 minutes de retard pour ces raisons. Certains se sont carrément perdus et nous ont rejoints à la fin. Beaucoup se sont plaints et je répercute ici leur plainte. Certains, public et artistes ont même parlé de scandale et de « foutage de gueule ». Sachant la bonne volonté de ceux qui ont eu cette initiative, je ne dirais pas cela. Mais je déplore qu’une fois de plus, les auteurs soient ainsi traités et mis symboliquement dans un placard. Lorsque les comédiens sont entrés dans ce lieu, ils ont fait « gloups ». Je dois ici les féliciter pour le courage dont ils ont fait preuve dans des conditions de lecture si difficiles (chaleur, bruit environnant et surtout porte qui grince en permanence avec des entrées et des sorties intempestives). En conclusion, je dis que oui, il faut renouveler cette expérience. Oui, Pierrette a eu raison de nous la proposer, et non, plus jamais dans ces conditions. Il faut imposer à Avignon off des conditions au moins honorables (et non honteuses) pour que des auteurs qui sont le cœur du théâtre, puissent à Avignon présenter leurs œuvres en lecture, même s’ils ne sont pas parrainés par d’honorables institutions comme la SACD. Comment l’imposer, c’est la question. Faudrait-il que les EAT disposent d’un vrai budget pour ce faire ? Autre question. Je suis prêt à en débattre. Voilà ami(e ) s auteur(e )s, ce que je tire de cette expérience qui est au final positive pour moi.. Je sais que d’autres n’ont pas eu la même chance que moi. Bonnes vacances, et à la rentrée.

Alain Foix

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