J’adore les Anglais ! Le Guardian, dans son magazine dominical The Observer du 27 octobre, vient, dans un article lénifiant, de me qualifier de Creative King of Culture in Paris ! Mais je partage ma couronne avec 7 autres Kings and Queens : Marc Levy, Clémentine Autain, Murielle Mayette, Valérie Hash, Gaston Kelman, Philippe Pareno, Florian Zeller… Surprenante et baroque palette. Mais bon, j’aime bien les Anglais quand même. Justement peut-être pour cette aptitude au baroque. Le baroque n’est-ce pas ce mode de rapport au monde permettant l’intégration de la diversité dans l’unité d’un regard. Ce regard à la fois impliqué et distancié qui permet aussi l’humour ? J’adore le baroque de l’humour anglais, londonien en particulier.
D’ailleurs, j’y suis, à Londres. Soleil radieux, no fog, no red buses à étage, no bobbies. Pas vu, pas encore.Est-ce vraiment Londres ? Mais, si, mais si ! Ca grouille dans les théâtres, ça vit, plein d’énergie. D’ailleurs, j’y suis dans un théâtre, en plein cœur d’une université, celle de Goldsmith. Un vrai théâtre avec de vrais acteurs qui sont en train de travailler sur mon texte Trinity on a rock (Trinité sur un rocher) qui va être présentée ici et au théâtre de Soho en version anglaise et française. Je suis là, sur la scène, à côté d’eux. J’ai posé mon ordinateur sur une table à l’écart, côté jardin, face à la salle vide, tandis qu’ils sont en train de travailler seuls côté cour avec la metteur en scène*. Ils n’ont pas besoin de moi pour l’instant. Je les écoute dire ce texte en anglais. Very funny ! Comme c’est étrange et amusant le travail de traduction et d’interprétation sur table. Parler français les oblige à se replacer différemment car l’inclusion physique dans la langue est différente. Je trouve mon texte plus beau, plus efficace en anglais, ils s’extasient sur la finesse de la langue française. Nous tombons parfois sur des incompatibilités d’une langue à l’autre. Rien à faire, même avec une traduction juste, une situation, une réplique théâtrale ne fonctionnent pas comme je le voulais dans la langue anglaise. Il faut couper, modifier sur le vif. Eclats de rire ! Un des comédiens anglais parle français avec un gros accent de pêcheur marseillais car c’est là qu’il passe ses vacances. Fabuleux acteurs anglais qui ont presque tous travaillé dans la Shakespeare Company. Une intelligence théâtrale qui me laisse plein d’admiration. Une exigence à toute épreuve face à ce texte dont ils doivent porter tout le sens vers le public.
Je suis là à travailler à côté d’eux sous la lumière des spot-lights. Fog ou plein soleil dehors, qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Je me dis que décidément, l’endroit où je me sens le mieux au monde est ce grand cube noir, universel, plein de mystères et qu’on appelle théâtre.
*Encore un mot qui, décliné au féminin, devient, hélas, « ob-scène ».