10 septembre 2008, frontière franco-suisse, 100 m sous terre, une montre immense, suisse, franco-suisse, de 27 km de circonférence. Une machine à remonter le temps, un gigantesque accélérateur de particules a été mis en mouvement. Tourne-t-elle banalement dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le sens inverse comme les athlètes d’un stade ou l’eau dans un siphon de l’hémisphère nord ? Les deux, mon général, nous apprend-on, car il s’agit de provoquer des chocs de particules à la vitesse de la lumière. Plus vite encore que le crash de « La possibilité d’une île » de l’auteur des « Particules Elémentaires » jeté, à peine projeté, dans le trou noir de la critique de cinéma unanime.
Machine à remonter ou à démonter le temps ? Est-il encore temps de se poser la question ? Des cercles d’internautes ont relayé l’angoisse dans toute la websphère : cette machine capable de remonter jusqu’aux premiers moments du Big Bang serait aussi capable de créer des mini trous noirs qui pourraient engloutir toute la terre. Les savants rigolent : « ridicule » disent-ils. Mais certains philosophes suisses gardent leur Kant à soi car non loin de là, à quelques pieds sous terre, leur collègue de Königsberg se retourne dans sa tombe. On ne rigole pas avec le temps.
Peut-être sommes nous déjà engloutis par un trou noir depuis 7h 30 GMT ce matin, heure de la mise en route de la grande montre. Mais nous ne le savons pas encore. Tout semble pareil pour nous, mais nous aurions été effacés de la « surface » de l’univers. Il faudrait d’urgence envoyer un cosmonaute dans l’espace pour vérifier que nous existons toujours aux yeux de l’univers. Mais si le cosmonaute ne revient pas ? On serait obligés d’en envoyer un autre pour vérifier. Et s’il ne revenait toujours pas ? Nous serions obligés de continuer à en envoyer car rien d’autre ne pourrait nous prouver notre inexistence. Cela s’appellerait des holocaustes et l’action de les catapulter vers l’invisible, la foi.
A propos, vous la connaissez, celle-ci: un Africain rencontre un Suisse et lui dit : « Vous, vous avez la montre. Mais nous, on a le temps. »
Mais depuis l’accident cosmique de la frontière franco-suisse, tout le monde est d’accord sans le savoir encore. Personne n’a la montre et personne n’a le temps, car nous sommes le temps. Et Kant qui rigole dans sa tombe.