La CARSED (Commission alternative de réflexion sur les « statistiques ethniques » et les discriminations) composée de philosophes, scientifiques, anthropologues, sociologues, statisticiens et dont je fais partie, présentera le lundi 29 juin, à 10 heures, à l’Amphithéâtre de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 105 Bd Raspail 75006 Paris son rapport publié et intitulé LE RETOUR DE LA RACE.
En voici la table des matières et l’avant-propos:
Introduction et Propositions
Veut-on une République communautariste ? Élisabeth Badinter
L’ethnicisation des rapports sociaux en France.
Réalité objective ou représentation « intéressée »du corps social Jean-Loup Amselle
Vous avez dit « ethniques » ? Ou de la nécessité d’examiner le terme d’un peu près, Jean-Pierre Dozon
Les « statistiques ethniques »ou la science et les scientifiques victimes d’une conjecture du mouton du Petit Prince, Athanase Bopda
La mal-mesure des « races » Critique de l’usage inconsidéré des catégories de couleur, Jean-Luc Bonniol
« Diversité » Le piège des mots, la dérive des idées, Michel Giraud
Les recensements comme instrument politique (un bref aperçu des exemples étrangers) Elena Filippova
Diversité des classifications,richesse des histoires et des territoires, Alain Blum
Les classifications se suivent mais ne se ressemblent pas, Hervé Le Bras
Peut-on promouvoir les statistiques ethniques sans référentiel et sans impliquer la statistique publique, notamment le recensement ? Stéphane Jugnot
Chronique de discriminations annoncées. L’enquête Trajectoires et Origines, France Guérin-Pace
L’obsession différencialiste. L’alibi de l’enquête statistique, Collectif
Face aux discriminations. Pour une poursuite des recherches engagées, Jean-Luc Richard
Spécificité de la perception des discriminations en France, Roser Cussó
Technique, science, éthique, politique. Les enjeux du débat sur la mesure de la « diversité », Maryse Tripier
Évanescente diversité, Véronique De Rudder & François Vourc’h
AVANT PROPOS
La Commission alternative de réflexion sur les « statistiques ethniques » et les discriminations : Une initiative indépendante et scientifique
Un Comité pour la mesure et l’évaluation des discriminations et de la diversité (COMEDD), nommé par Yazid Sabeg a été mis en place le 23 mars 2009. Selon sa lettre de mission, il est en charge « d’identifier, d’évaluer et de proposer les catégories d’observation mobilisables, dans le cas de la France, pour la mesure et l’évaluation de la diversité et des discriminations ». Il doit répondre au souhait du Président de la République de disposer d’outils qui « reposent sur des méthodes incontestables », définis, « dans un esprit de dialogue, avec l’appui de la communauté scientifique et statistique ». Fort bien, mais la mesure de la répartition ethnique de la population vivant sur le territoire français, car c’est de cela qu’il s’agit, a suscité depuis plusieurs années de vifs débats tant dans la communauté scientifique qu’au sein de la société civile. Or la composition du Comité Sabeg les ignore : aucun scientifique opposé à la mise en place de statistiques ethniques ou simplement dubitatif sur leur utilité n’en fait partie. Il néglige par ailleurs la plupart des
disciplines travaillant sur la discrimination : en particulier n’y figure aucun anthropologue, aucun historien, aucun géographe, aucun philosophe. Pire, alors qu’il prétend délivrer un avis scientifique, il ne comprend qu’une petite
minorité de scientifiques, partageant de façon ostensible le même avis, en compagnie d’une majorité de représentants d’associations, de grandes entreprises ou d’institutions. Le choix des membres du COMEDD semble avoir été motivé par le seul critère d’une position ouvertement favorable aux statistiques ethniques. L’idée même d’une politique publique écrite sous la dictée des scientifiques relève, au mieux, de la naïveté, au pire, du cynisme. Le rôle des scientifiques n’est pas de produire des « méthodes incontestables », ni d’imposer des choix de société, mais de clarifier les enjeux et conséquences des choix possibles avant qu’ils soient soumis à une discussion publique et démocratique. Dans sa lettre de mission, Yazid
Sabeg veut faire croire que la « science », représentée par quelques partisans de la mesure de l’ethnicité, peut apporter une solution miracle à la discrimination en trois mois de discussion. Nous ne sommes pas dupes. C’est pourquoi nous avons décidé de créer une « Commission alternative de réflexion sur les « statistiques ethniques » et les discriminations » (CARSED). Composée de scientifiques parmi lesquels des anthropologues, des historiens, des juristes, des géographes, des démographes,
des sociologues et des philosophes, la CARSED a abordé des questions essentielles la lutte contre les discriminations passe-t-elle nécessairement par la définition brutale
d’identités ethniques et raciales qui aboutiront inéluctablement à la constitution artificielle de minorités fermées et rivales ? Ne faut-il pas privilégier des études ponctuelles en profondeur qui scrutent les modes de discrimination, les discriminateurs et les discriminés pour en comprendre les motifs, et proposer des moyens d’action concrets ? Que valent les expériences étrangères quand on les replace dans leur contexte historique et social ? Quelles sont les attentes
des entreprises, des associations et des institutions ? Une ou deux fois par semaine depuis le début du mois d’avril, la CARSED a débattu autour d’exposés de ses
membres et auditionné des acteurs de la société civile concernés par la discrimination. Le présent ouvrage livre la synthèse de ses travaux. Pour y parvenir, il était important de se tenir à distance du politique. Dans cette optique, la CARSED a fonctionné en dehors de toute institution et sans financement. Le débat sur des questions de sociétés qui concerne chacun d’entre nous doit se dérouler en
public, et non dans un cénacle d’experts ou prétendus tels par la grâce du prince. Les textes qui suivent proposent de véritables alternatives aux politiques actuelles de la diversité, des alternatives en profondeur qui prennent au sérieux la montée des inégalités au lieu de se livrer à des gesticulations cosmétiques dont le seul effet risque d’être une racialisation de la France.