Que la neige soit! (et la neve va)

Neige, ô neige. J’ai passé toute l’après-midi bloqué dans ma voiture à cause de tes flocons. Mais je t’aime quand même. Devant toi, je suis toujours un petit enfant, comme celui que j’étais en débarquant de ma Guadeloupe natale et te voyant pour la première fois, les yeux émerveillés, à travers les vitres de ma grand’tante Justine, morte à 106 ans, ayant vécu soixante ans sous la neige de Saint Rémi-les chevreuse, et puis a décidé, à l’âge de 100 ans, de mourir sous son soleil. Elle était déjà pleine de neige et fatiguée des flocons lorsque que je suis arrivé chez elle avec mon petit soleil. Bien sûr, elle avait oublié l’émerveillement que je raconte dans ce passage de mon livre Ta mémoire petit monde (Gallimard):

Et c’est là qu’un beau jour, je rencontrai la neige. Je n’en crus pas mes yeux. Un matin blanc derrière un vitrage embué.

La neige est tombée ! La neige est tombée ! J’y serais allé m’y rouler toutouni si tante Justine ne m’avait pas forcé à m’habiller. Elle tombait à gros flocons comme dans les illustrés et la campagne s’ornait d’un manteau blanc. Je croyais rêver. J’ai fait une boule de neige et l’ai sucée très goulûment. J’y aurais bien versé un peu de sirop vert, y coulé sa lumière. Raymond m’apprit à faire un bonhomme de neige et Kiki excité bondissait tout autour. Tante Justine, debout dans l’entrebâillement de la porte, regardait bras croisés avec l’air consterné.

En classe, j’ai fait une rédaction sur la neige et j’ai eu neuf sur dix. J’y évoquais le bruit et les pas étouffés, cette impression que la neige ralentissait la marche monde. C’est ça qui m’avait étonné, ce qu’on ne voyait pas dans les petits illustrés. Et puis, le cerisier du jardin a fleuri et suis retourné à Paris.


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