Ta mémoire, petit monde

Ta mémoire, petit monde

l y a quelques jours, je reçois par mms sur mon téléphone cette photo.
Le nom de l’expéditeur n’était pas indexé sur mon fichier. Alors dialogue :
– Qui est-ce ?
– Ben, c’est toi.
– Oui, j’ai bien vu que c’était moi. Mais qui me l’envoie ?
– Ta cousine, Josiane.
– Josiane ? Comment as-tu cette photo ?
– Ben, je l’ai depuis ton enfance, chez ma mère. C’est même signé Alain au dos, avec ta petite écriture d’enfant de 4 ans.
Je regarde cet enfant, cet étranger maintenant. Un océan nous sépare, un monde, un univers. Suis-je devenu ce qu’il rêvait ? Et en quoi l’ai-je trahi ? Qui a-t-il encore de lui en moi ?
Je sais pourtant que son regard agit en moi, qu’il m’interroge sans cesse et qu’il me juge. C’est lui, cet enfant là, qui m’a fait écrire mon roman « Ta mémoire petit monde » où il se trouve au centre. Il conduisait ma main. Cette photo là, le moment, le contexte où elle a été prise, je m’en souviens comme si c’était hier. Je sens le parfum du flamboyant que j’appelais papa, sous lequel je suis passé en allant vers le port, ses odeurs marines, pour me rendre chez le photographe de Pointe-à-Pitre qui a capturé les images de générations d’enfants guadeloupéens. Je me souviens, je le raconte dans le livre, comment il m’a arraché par ruse cet éclatant sourire que je ne voulais pas livrer.
Je ne sais pas quelle est l’étendue de ma trahison, mais je la perçois en moi tous les jours. Je sais aussi que c’est pour lui, et peut-être à cause même de cette trahison et de cette distance prise avec lui, que je continue d’écrire, qu’il me force même à écrire.

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