A propos de la notion d’identité

 

Très intéressant article sur ces notions d’identité et d’universalisme dont on nous rebat les oreilles depuis des décennies, soit pour les affirmer, soit pour s’y opposer.

En fait, comme le dit François Jullien, la question est très mal posée. Mal posée à mon avis car elle est toujours posée à partir d’un substrat idéologique.

Une phrase qui me paraît centrale dans cet article est ce mot de l’auteur:  » Le pseudo-débat actuel repose en effet sur une idée fausse, la confusion entre le processus d’identification par lequel un individu se constitue en sujet et le fait d’attribuer une identité objective à «sa» culture. »

Le processus d’objectivation conduit en réalité à une réification (transformation du vivant en chose inerte et manipulable). La définition d’une culture est en effet qu’elle est vivante, donc qu’elle bouge, qu’elle se transforme.

Ce qui n’apparaît pas clairement dans cet article est qu’est-ce qui la fait bouger, avancer? En réalité, je pense qu’il y a deux moteurs qui conduisent une culture à se transformer donc à vivre. Le premier est l’adaptation aux apports extérieurs, le second, très actif, est l’invention qu’elle soit scientifique ou artistique.

Pour clarifier mon propos, je dis qu’il faut considérer la culture comme un paysage, une vallée dans laquelle coule un fleuve qui la transforme peu à peu dans son mouvement. Ce fleuve est l’invention artistique et scientifique (philosophique aussi, les deux sont liés). Il creuse la vallée, la modèle même malgré elle. Elle résiste. La culture est ce qui résiste, c’est le substrat du passé, ce qui reste de l’histoire, l’art et la science sont l’érosion intérieure. L’autre facteur de changement sont les acteurs extérieurs que constituent l’érosion naturelle liés aux éléments extérieurs ou au passage du temps, ou les frottements des plaques tectoniques (culturelles).

Cette idée d’identité immuable nous vient de la pensée postromantique du XIXe siècle. Encore une fois, il y a plusieurs manières de considérer le romantisme. Si le fameux vers de Lamartine: « Objets inanimés avez vous donc un âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer? » projette le sentiment d’un sujet individuel sur les choses avec lesquelles il crée un espace de dialogue et d’identification individuelle, nous ramène en fait à l’idée d’identité comme projection individuelle dans un espace culturel, par contre ce qu’en ont fait les postromantiques en glissant de l’individu au collectif et en construisant de toutes pièces le concept souvent nauséeux de « l’âme des peuples », nous a emmené aux catastrophes que l’ont connaît (entre la mise en œuvre d’une machine à broyer l’humain commencée dans l’industrialisation à marche forcée de la traite négrière au début du XIXe qui existait depuis longtemps, certes, mais de manière disons plus artisanale (si on peut employer ici ce terme), et la shoah. Traite négrière et shoah qui sont en fait deux faces d’une même idéologie basée sur cette conception raciste de l’identité ».

http://www.liberation.fr/debats/2016/09/30/francois-jullien-une-culture-n-a-pas-d-identite-car-elle-ne-cesse-de-se-transformer_1516219

Laisser un commentaire