La région Ile de France est-elle un monochrome blanc ?

Les trois dernières au Lucernaire avant, peut-être, de se glisser dès mardi prochain au théâtre Confluences dans le XXème pour une semaine de prolongation en attendant plus.

Ce n’est pas seulement le plaisir de voir depuis plusieurs jours une salle pleine comme un œuf, des applaudissements nourris et bissés et un public enthousiaste, qui me transporte de joie en ce moment. C’est de voir aussi la qualité de ce public même. Un public métissé. Un vrai public à l’image de la population, un public rare. Un public frère de celui que j’ai rencontré au Théâtre Royal de Londres il y a une quinzaine de jours, décontracté, chaleureux, enthousiaste, coloré, réactif. Public qui mit bouche bée les visiteurs français qui demandèrent : « c’est normal, ici, ce public mélangé? Comment faites-vous ? » Eh bien c’est simple, on fait du théâtre qui concerne la population, on a en résidence des troupes de couleur comme on dit, et surtout les directeurs de théâtres ne sont pas exclusivement WASP (White Anglo-saxon and Protestant). Eh oui, c’est simple. Alors pourquoi prolonger ce malaise blanc dans nos théâtres ? Je suis souvent comme au Théâtre de la Ville, sur 900 spectateurs, la seule tache de couleur brune. Est-ce être raciste que de faire ce constat ? Non, ce qui l’est c’est de ne pas le faire. De croire que c’est ainsi, qu’on n’y peut rien, et même de ne pas le voir parce qu’on n’est pas raciste, et parce qu’on n’est pas raciste, on ne fait pas attention à ces choses là. Raisonnement équivalent à ceux qui se disent en bonne santé, et parce qu’ils sont en bonne santé ils ne voient pas le cancer qui les ronge. Je me suis souvent soulevé contre cet état de fait, et comme je me suis soulevé, on m’a traité de raciste sans oser me le dire. Pire, on m’a catalogué comme faisant partie du CRAN (Comité Représentatif des Associations Noires), mes pires ennemis que je combats sans merci car précisément je ne veux poser une quelconque identité noire contre une prétendue blanche. Je pointe seulement les symptômes qui signent la maladie. Je ne veux pas soigner le symptôme, mais la maladie elle-même, et je dis que la dépigmentation de nos théâtres est le signe d’un mal profond de notre société. Alors, imaginez mon effroi lorsqu’avant-hier, je me suis rendu, à l’invitation de la Région Ile de France à l’Etat des lieux du spectacle vivant où, dans une salle composée de centaines d’artistes et responsables culturels, j’étais le seul noir. Certes, j’étais aussi sans doute le seul à m’en rendre compte car je fais depuis longtemps partie de cette « famille » et de ce fait, on ne voit plus ma couleur. Moi-même je ne la verrais pas et n’y penserais pas si je n’étais pas le seul. Mais ce monochrome blanc me fait tache et me renvoie à ma singularité. Tous ces gens que j’aime beaucoup individuellement, qui ont souvent de vraies convictions humanistes, ne sont pour rien individuellement dans cet état de fait. Mais ils le sont collectivement. Et collectivement, ils me renvoient un bouclier blanc contre lequel ma couleur s’écrase. Ils sont donc collectivement le symptôme d’un malaise de civilisation, un mal qui est à prendre collectivement à bras le corps, un mal que seuls les responsables politiques sont à même de soigner, et à ne rien faire de tangible, ils se rendent coupables de non assistance à société en danger. Après avoir été saisi d’une rage blanche, je hurle ici ma colère noire. Que mes lecteurs veuillent bien me pardonner. Je ne le ferai plus… avant que cela me reprenne.

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