Non danse

Voici un article du Monde signé Dominique Simonnet que m’envoie mon ami compositeur Patrick Marcland, paru le 11 décembre. Je le relaie in extenso sur mon blog car il mérite vraiment d’être lu. J’y souscris totalement et je n’ai pas une virgule à y ajouter. Nom de nom, y aurait-il encore des critiques de danse? Ce serait la bonne nouvelle de la journée.

Les précieux ridicules de la danse

La nouvelle mission du Théâtre de Chaillot, qui, en juin 2008, sera dédié à la danse et confié à José Montalvo et Dominique Hervieu, créateurs appréciés du grand public, a suscité une hostilité surprenante d’une poignée de leurs confrères (Le Monde du 29 novembre). Au lieu de se réjouir de voir leur art gagner un nouveau et prestigieux lieu d’expression, les chorégraphes signataires récriminent : ils craignent a priori que la danse dite « d’aventure » et « d’audace » n’y trouve pas sa place et que s’impose un « oecuménisme qui tente d’abord de divertir le plus grand nombre ».

 

Le plus grand nombre ! Voilà ce qui les effraie. Quelle est alors cette « danse d’audace », réservée aux initiés, qui serait menacée ? Depuis de nombreuses années, un courant impose son hégémonie dans la création contemporaine, qui cultive en effet l’élitisme. Il refuse l’esthétique, raille l’émotion, rejette le mouvement, revendiquant une « non-danse » qui se proclame d’avant-garde mais se traduit souvent par un conformisme affligeant ou, chez certains, par une surenchère de provocations vulgaires : on se roule par terre en sous-vêtements, on projette des liquides divers – eau, sang, urine, sperme, tout est bon. Comme les précieuses ridicules, les non-chorégraphes accompagnent leurs « créations » d’un propos ésotérique et pédant et taxent d’emblée de réactionnaire toute critique qui leur est adressée.

POUDRE AUX YEUX

Du coup, nombre de spectateurs ne s’autorisent même plus à juger, de peur de ne pas être branchés. Rares sont ceux qui, comme l’enfant du conte, osent crier que l’empereur est nu, et le chorégraphe… nul.

Ce courant, spécialité française que l’on regarde à l’étranger avec consternation, serait insignifiant si, depuis des années, il ne canalisait pas l’argent public, s’arrogeant les subventions et monopolisant le réseau des centres chorégraphiques régionaux, nuisant ainsi aux autres formes de création contemporaine.

Aujourd’hui ses défenseurs craignent que cette hégémonie se fissure et que se révèle une vérité qui les dérange : le public, le grand comme le petit, en a assez de la poudre aux yeux. Oui, il veut de l’aventure et de l’audace, c’est-à-dire de vrais spectacles dansés, travaillés, créatifs, inventifs, au-delà des modes et des prêts-à-penser. Il veut une danse avec un propos et un sens, fondée sur le talent, l’exigence et l’intelligence.

La vraie audace serait que les journalistes jouent à nouveau leur rôle critique, que la politique culturelle retrouve un peu de cohérence, que les élus dispensent l’argent public avec plus de discernement et que les centres chorégraphiques régionaux renouent avec leur mission : donner aux artistes de tous horizons la possibilité de créer et s’exprimer.

A Chaillot de relever le défi et de prouver qu’aujourd’hui, en France, loin de la vacuité de la « non-danse », on peut dire haut et fort : oui à la danse.

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