Vil coyotte à l’ombre d’Obama bip-bip

Un coyote ! Ce n’est pas vrai ! Un coyote. Il est là, au détour d’un virage sur un remblai, et nous regarde. Un coyote en plein milieu de Hollywood Hill. Nous sommes stoppés, tétanisés. Jamais vu de coyote. Il est mignon, l’air sympathique, mais un peu tête à claques. Sans doute la fréquentation de Tex Avery qui me fait dire ça. Il est vrai que nous sommes un peu comme des Bip ! Bip ! dans notre virage. Que va-t-il lui arriver encore comme malheur ? L’appareil photo jaillit de l’étui. Trop tard, il a déjà filé. Les stars n’aiment pas trop les paparazzi. Arrivés dans notre maison rose adossée à la colline. Nous nous interrogeons encore. Un coyote au milieu des habitations, est-ce normal ? A peine posé pied à terre qu’arrive C.C.H. Pounder venue nous chercher. « Oh ! Incroyable. Je viens de voir un coyote. » Nous dit-elle. Ah ! Bon. Ce n’est donc pas si banal. « C’est très rare, continue-t-elle. Ils viennent parfois du désert quand la faim les pousse. Ils mangent les petits animaux, les chats, les chiens, parfois même les enfants. Il faut faire attention. » Vil coyote ! Je comprends mieux cette tête à claques. C’est la deuxième fois que nous voyons C.C. dans la journée. Elle était déjà venue à midi repérer les lieux dans cet inextricable nœud de lacets qui constituent les chemins d’Hollywood Hill menant à la maison. On a vite fait de se perdre. Elle nous amène chez elle dans un vieux quartier du sud-ouest de Los Angeles. Une maison incroyable à l’ombre d’un immense pin parasol. Passé le portail, nous ne sommes plus en Amérique mais en Afrique. Un immense oiseau kalao sculpté du Mali nous accueille, son bec immense au-dessus de nos têtes, ses ailes déployées. Un jardin merveilleux peuplé de grandes statues. Le maître de maison nous accueille en haut d’une large plateforme de bois. D’immenses bancs sculptés en bois massif, des trônes africains aux formes accueillantes, une table basse à la taille d’une pirogue, nous invitent à nous asseoir dans la fraîcheur du soir. Boubacar, mari de C.C. a l’air un peu austère. Il sort un gros cigare, un barreau de chaise. Le whisky irlandais réchauffe l’atmosphère, les sourires apparaissent, les langues se délient. Il est maintenant à la retraite, a bourlingué par le monde entier, et beaucoup en Afrique. Il fut anthropologue, un anthropologue africain. Il a étudié les Dogons, a rectifié toutes les « dogoneries » que ses collègues français ont pu raconter sur ce peuple. « Jean Rouch aussi ? » Demandai-je inquiet de mon ancien maître. « Ah ! Non. Jean Rouch c’est différent. Il était honnête. Et surtout utile à ses amis Dogons car c’était un grand raconteur d’histoires. » La fraîcheur des soirs californiens nous invite à continuer à l’intérieur. Une maison incroyable. Pas une maison, mais un musée vivant. Tout ici est peint et sculpté.

Pas un seul objet qui soit banal, jusqu’aux assiettes peintes et couverts de la table dressée sous un superbe plafond peint qui sont autant d’objets d’art.

detail de l entree
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Entree principale de la maison
Entree principale de la maison

Boubacar nous apprend qu’il a crée le musée d’art de Dakar. Il vient d’une grande famille d’entrepreneurs du Sénégal. Sur un mur trône une photo célèbre, celle d’un vieux sage africain. « Je connais cette photo » lui dis-je. « C’est mon père, me répond-il. Cette photo est en effet célèbre et a fait le tour du monde, mais c’est simplement mon père. Il est mort à 102 ans. » Il y a ici tout ce que notre anthropologue et C.C. Pounder ont amassé comme objets d’art autour du monde, mais cette maison est en elle-même une œuvre d’art. C.C. est aussi peintre et sculpteur, une de ses œuvres présente un avion auquel sont accrochés une multitude de poupées noires. « Pour dénoncer les politiques d’immigration » dit-elle. Le débat est lancé, Obama est au centre, mais aussi la France, cette France coloniale que Boubacar exècre. Son expérience parle pour lui. Obama qu’il a rencontré et soutenu, représente à son sens ce visage d’une Amérique lieu de tous les possibles opposée à cette France frileuse repliée sur elle-même, « où vous avez beau être Français et né en Guadeloupe, vous êtes noir donc ne serez jamais perçu comme un vrai Français ». Je me défends, j’appelle à la laïcité, à l’histoire, à la république, mais je me défends mollement. Il a quelque part un peu raison. Mais j’appelle à la France éternelle, celle des idées, celle de l’espoir. « Des idées, rétorque-t-il, que des idées. » Oui des idées. Bien-sûr, des idées. Je suis sans doute idéaliste. Mais comment faire autrement ? Je suis Français. C.C. Pounder sourit. Un large sourire. Elle a un visage de princesse africaine. Elle vient de sortir de 9 mois de travail avec James Cameron pour son nouveau film, et est juste un peu lasse. Elle a les yeux rêveurs et dit : « Oui, mais en France, il suffit d’un film pour être une star éternelle. Ici, c’est la bagarre continuelle, rien n’est jamais acquis. » « C’est ça qui est formidable, rétorque Boubacar. Tout le monde a toujours toutes ses chances, les fameuses 5 minutes de célébrité possible d’Andy Warhol. C’est ça un pays démocratique.» N’est-ce pas cela pensé-je qui est vraiment idéaliste ? Cette mer toujours recommencée, n’est-elle pas une idée ? Une idée libérale qui en oublie un peu la lutte des classes, les privilèges de classe, voire même de caste ? Mais on n’entrera pas dans ce débat. Il est déjà tard. Nous avons dans les pieds et dans la tête toute une journée dans l’incroyable Musée Getty dont j’avais envie de parler en commençant ce papier. Mais le coyote, C.C., Boubacar et leur petit musée personnel m’en ont dissuadé. Ce sera sans doute pour demain.

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