
Cet après-midi, dans les yeux de tous les participants de cette aventure de théâtre qu’est « Le ciel est vide », on pouvait lire une profonde consternation. Le responsable : un traducteur de l’œuvre du poète William Shakespeare répondant au nom de François-Victor Hugo, 4ème enfant du grand poète, de l’homme océan. Flaque boueuse levant le dégoût de ceux qui ont marché dedans. François-Victor Hugo, traducteur de l’œuvre de Shakespeare et notamment de cet Othello dont j’ai tiré le monologue de son suicide pour l’intégrer dans ma pièce.
L’objet de cette consternation est un qualificatif dans le passage suivant : Othello : «… Alors vous aurez à parler d’un homme qui a aimé sans sagesse, mais qui n’a que trop aimé ! d’un homme peu accessible à la jalousie, mais qui, une fois travaillé par elle, a été entraîné jusqu’au bout ! d’un homme dont la main, comme celle du Juif immonde, a jeté au loin une perle plus riche que toute sa tribu ! » Le juif immonde ! Dans ma pièce, j’ai retiré toute la phrase faisant référence à ce dit juif immonde. Mais Bernard Bloch, reprenant dans sa totalité l’extrait de la traduction de F.V. Hugo, avait buté sur ce terme. Hassane Kouyaté saisi de dégoût, n’arrivait pas à le prononcer. Comment Shakespeare avait-il pu écrire une chose pareille ? Je ne pouvais pas le croire. Il fallait s’en référer au texte original en anglais. Ce qui fut fait. Alors nous pûmes lire dans les mots de Shakespeare : « dont la main comme celle de l’Indien, a jeté une perle plus riche que toute sa tribu. » Soulagement et consternation. Ce n’était donc pas Shakespeare, mais François-Victor Hugo, « traduttore tradittore », traducteur traitre, l’auteur de cette double infamie, pris en flagrant délit d’antisémitisme et de malhonnêteté intellectuelle, trahissant la parole du poète. Ainsi continue de courir contre Shakespeare l’accusation erronée et injuste de racisme et d’antisémitisme. Ainsi beaucoup refusent de monter Le Marchand de Venise au prétexte que c’est une œuvre antisémite alors qu’il s’agit par la main de ce grand humaniste, fils spirituel de Thomas More et d’Erasme, bien du contraire, d’une arme théâtrale contre l’antisémitisme. F.V. Hugo est bien la preuve s’il en était besoin, qu’un tout

petit homme peut être enfanté par un grand homme. Sa traduction qui fait toujours référence, éditée chez Garnier-Flammarion, est celle à laquelle les lycéens et étudiants ont le plus accès. Ce qui m’apparaît un peu inquiétant. Il est vrai que par ailleurs François-Victor Hugo a un certain style. Mais ne demande-t-on pas à un traducteur d’être d’abord honnête, exact et juste ? Cela ouvre le vaste débat qui sans cesse agite le monde de la traduction. Nous ne nous y engagerons pas ici, mais nous savons d’ores et déjà que nous lirons désormais avec la plus grande circonspection les traductions de F.V. Hugo.