L’intervention ci-dessous d’un lecteur de mon blog, me donne l’occasion de préciser certains points .
Cher monsieur,
Je lis votre blog de temps en temps, c’est plus marrant que Le Monde et mieux écrit que Libé. Cela dit je ne suis pas sûr de partager votre fascination pour les USA (la société j’entends) ni vos réflexions sur les Black Panthers et la dictature du prolétariat. Il ne faut pas oublier que c’est une réaction à une autre dictature et on peut voir aujourd’hui à quoi mènent les démissions de ce type. Entre dictature du Capital et celle du Travail j’avoue ma préférence. En tout cas maintenant plus rien ne peut s’opposer à l’oligarchie qui nous mènera à coup sûr à la guerre (çà commence déjà) et au fascisme (çà suivra).
Il serait bien sûr préférable qu’il n’y ait pas de dictature tout court, et que tout le monde soit beau et gentil. On peut toujours espérer.
Quant aux Panthères (qui ont sans doute contribué largement à l’évolution des mentalités, notamment chez les noirs, alors que le King a agi principalement sur le pouvoir blanc), j’attends de voir Obama au pouvoir (ce qui ne retire rien au symbole formidable) défendre la politique des trusts, de Wall street (donc de la guerre là-aussi), de Coca Cola et en définitive des blancs !
Cher lecteur,
Si vous lisez bien ma rubrique « Cahiers de Californie », vous verrez que cette fascination pour les USA que vous croyez déceler chez moi est bien plus nuancée et ironique que cela.
Par ailleurs, toute dictature est une impasse, une tentation mentale proche de la pulsion et/ou de l’idéalisme, qui ne peut coller à aucune réalité humaine, quelle soit du prolétariat ou d’autre chose.
Je crois en la dialectique historique mais pas au fait qu’elle se résolve en un troisième terme. Je crois donc en une histoire ouverte, toujours, une dialectique négative comme disait Adorno. Par conséquent, je pense que le combat des Black Panthers a énormément compté dans l’évolution des choses, comme celui du Che, de Lénine, même de Robespierre à sa manière, comme des grands révolutionnaires de tous les temps. Mais je ne crois pas qu’il puisse y avoir maîtrise de l’état du monde ou de la société en un moment final qui serait conditionné par un moment intermédiaire forcément régi par la terreur. Voir l’échec du stalinisme. Voir l’échec de toute révolution qui se clôt en un Etat. L’Etat c’est toujours Moi dès qu’une unité singulière ou collective prétend le diriger unilatéralement. Ce Moi est mortifère, de toute façon.
Tout Etat démocratique génère en lui la négation de l’Etat, les luttes internes conditionnant sa vie et son évolution, à l’exemple d’un corps biologique.
L’art et l’artiste font partie de ces éléments critiques (porteurs de crise) qui sont nécessaires au développement de toute société saine, c’est-à-dire jamais fermée sur son histoire, impossible à prédéterminer, quelque soit la légitimité politique ou morale d’une entité sociale luttant pour le changement. Une dictature est un corps mort qui ne peut engendrer que de la pourriture : mafia, prostitution, gangs.
Donc oui à la lutte permanente et non à la dictature. Oui à l’éthique et non aux dictatures morales, politiques ou religieuses. Oui à la création artistique et non à la dictature de la beauté. Oui à l’espérance et l’utopie et non à l’homme providentiel. Oui aux révolutionnaires, non aux dictateurs. Oui à Obama et non à ceux qui en font un messie.
Les tribus indiennes avaient la sagesse d’avoir un chef de guerre et un chef de paix. Ce n’est pas pour rien. Je vous conseille à ce propos la lecture de « La société contre l’Etat » (Seuil) du regretté Pierre Clastres, ethnologue de son état.
La connotation du terme « dictature du prolétariat » est souvent mauvaise et inexacte. On pense souvent à la dictature, au totalitarisme sous Staline. Pourtant sa signification est double. La signification d’origine, établie par Marx, est la suivante : sous le capitalisme, la bourgeoise est la classe dominante, elle exerce donc une dictature de la bourgeoise, même si en apparence on a l’impression d’une démocratie. Il ne faut pas oublier que ce que nous considérons comme des démocraties (comme la France, les États-Unis) ne concernent pas l’économie. Le contrôle des moyens de production est entièrement laissé aux capitalistes. Chacun sait en effet que les politiques élus n’ont, sous le capitalisme, pratiquement aucun pouvoir sur les productions. La « dictature du prolétariat » est donc un régime sous lequel le prolétariat contrôle l’économie.
Le fait qu’on s’éloigne de plus en plus du rêve communiste ne suffit pas à justifier le capitalisme – et son corollaire la démocratie libérale – comme unique système social.
Mais c’est vrai que Marx (le vieux monde) est dépassé. Maintenant qu’on a Bayrou !