En voilà un, l’homme gris comme l’appellent les Inconnus, qui aurait échappé aux statistiques ethniques comme il a toute sa vie échappé à toute identification extérieure à sa personne même. C’est l’artiste absolu, l’individu qui finit par se confondre avec son œuvre même. On est ce qu’on fait et non ce que l’on dit ou l’on se dit être. Voilà la leçon laissée dans le ciel universel de cette comète qui a illuminé nos nuits noires, nos nuits blanches. Comète dont la queue tire au 21è siècle les illuminations des sixties dont elle est issue. Voilà l’homme qui a grisé toutes les couleurs de l’arc en ciel humain est la faisant danser un pas, le moonwalk, créé à partir du shuffle-step, un pas inventé par les esclaves noirs auquel on avait interdit de danser. Le shuffle-step (pas frotté) et le stomp-step (pas frappé) sont à l’origine des subterfuges géniaux qu’ont trouvé les noirs pour danser en bafouant les négriers. Pourquoi ? Parce que selon les critères occidentaux, traîner les pieds ou marcher lourdement en les frappant au sol n’entrait pas dans le lexique permettant d’identifier l’acte de danser. Ces danses se jouent donc du concept, des cadres d’identification canoniques. La danse comme la création en général, la vraie, est toujours détournement, acte de déjouer en jouant. C’est pour cela aussi qu’il est resté enfant, Michaël. Un artiste qui va jusqu’au bout de lui-même. Alors, il est amusant de constater qu’au même moment, celui qui ne sait pas danser sinon avec les concepts détournés à des fins politiques et qui se rend aux Antilles, une des sources du jazz, admet que le problème des inégalités sociales ne peut pas être réglé par l’indentification des individus dans des catégories raciales, mais par la lutte contre les sources de l’inégalité qui ne sont pas fondamentalement ethniques mais sociales et économiques.