Dak(art)3 Pas des moustiques

« Nous ne sommes pas des moustiques. Pas agressifs et nous ne piquons pas. Plutôt des mouches, un peu collantes », dit-il en me tendant une poignée de « Rolex » vendue au prix d’une Kelton de bureau tabac. Dans l’autre main une poignée de « stylos Mont-Blanc ».

–       Des vrais, mais pas cher.

–       Des vrais ? Fais voir la plume, c’est écrit dessus.

–       Mais oui, regarde, c’est écrit (il me tend le stylo et je lis « made in China »)

–       Tu vois, ce n’est pas inscrit

–       Mais oui, insiste-t-il, c’est écrit là, tu ne sais pas lire ?

–       Et toi tu sais ? (c’est clair, il ne sait pas).

–       Bon, bon, je te les donne (il me les met dans la main), tu es sympa. Je t’invite à la maison, je viens d’avoir deux jumelles et on doit fêter ça. Tu as des enfants ?

–       Merci pour l’invitation, mais je n’ai pas le temps.

–       Viens, viens à ma boutique, je te donne ma carte. Tu m’appelles et je vais t’aider. Tu es un ami. Tiens, regarde ce sac, il te plait ?

–       Tu as vu que je le regardais ?

–       Je te le donne, pour rien.

–       Combien ?

–       45 000 francs CFA (30 euros)

–       Salut, j’ai à faire.

–       Bon, 30 000.

–       10 000 pas plus.

–       Tu veux me tuer ? (Il regarde son acolyte qui rigole). Il est fou l’ami.

–       Ok, salut.

–       Allez, va regarde cet autre sac, pour ta fiancée. Je te fais les deux pour 60 000. C’est mon dernier prix.

–       Hon, hon

–       Et prends les « Mont Blanc », je te les donne avec.

–       Ecoute, je ne suis pas venu pour acheter. Tu es sympathique, je t’ai suivi, mais je n’ai pas le temps.

–       Tiens, prends une chemise. Elle te plaît celle-ci ?

–       Oui, elle est belle.

–       Je te la fais pour 30 000. Et tiens, voilà de beaux bijoux pour ta copine. Un bracelet et un collier. Gratis. Je te les donne, ma parole.

–       Ok, la chemise, les bijoux, les deux sacs et les stylos, pas les Mont Blanc, ceux-là. Le tout pour 45 000. C’est mon dernier prix.

–       Je te dis qu’il est fou, dit-il à son acolyte. Viens, viens manger le couscous pour la nouvelle année des musulmans. Je te fais cadeau. Viens.

–       45 000, c’est tout.

–       Tu m’égorges

–       Salut (je tends les 45 000).

–       Bon d’accord

–       Donne moi ce stylo en plus. Allez, tu as gagné ta journée, pas vrai ?

–       Oui.

–       En tout cas, vous êtes de très bons comédiens tous les deux. La prochaine fois je vous engage.

–       Eh l’ami ! Ne pars pas si vite. Tu viens manger le couscous ? J’ai mes petites jumelles qui…

Petit, j’avais honte et regardais mes souliers lorsque ma mère marchandait outrageusement jusqu’à faire gémir le vendeur. Mais elle s’en sortait toujours victorieuse. Je pense à elle en ce moment. Merci, maman.

–       Oui, allô ?

–       C’est la police.

–       La police ?

–       Nous avons trouvé votre numéro sur un portable volé.

–       Celui de Mariann. Vous l’avez trouvé ? Où ça ?

–       Dans les chaussettes d’un gars près du théâtre national.

–       Et le passeport ?

–       Quel passeport ? Où êtes vous ?

–       A l’hôtel Atlantic.

–       Je viens.

–       …

–       Oui, allô, je suis là, en bas.

–       Bonjour, vous êtes le policier?

–       Elève policier.

–       Comment l’avez vous trouvé.

–       Dans des chaussettes.

–       Comment ?

–       Vous êtes le propriétaire ?

–       Non, la voici.

Quelques heures plus tard, Mariann croise le gendarme qui a pris sa déposition et elle lui annonce que le portable a été trouvé.

–       Ah ! bon, déjà ? C’est bizarre.

–       Par un policier.

–       Quoi ? Par un policier ?

–       Un élève policier.

–       Un élève policier… Bizarre, bizarre… Vous n’êtes as venu reprendre votre déposition.

–       J’étais très prise…

–       Mouais… suivez moi au poste.

Trois heures plus tard, Mariann ressort avec un rendez vous pour le lendemain matin. Le supérieur du gendarme à qui on ne l’a fait pas, regarde Mariann avec un air étrange. Mariann lit dans ses yeux un peu plus que de la suspicion. Ne serait-il pas en train de se demander s’il n’est pas en présence d’une espèce de… magicienne ?

– Allô?

-Allô, Alain.

– Oui, Oumar…

– Bon, vous êtes programmés demain, à 21 heures à l’Institut Français.

– Enfin.

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