« Nous ne sommes pas des moustiques. Pas agressifs et nous ne piquons pas. Plutôt des mouches, un peu collantes », dit-il en me tendant une poignée de « Rolex » vendue au prix d’une Kelton de bureau tabac. Dans l’autre main une poignée de « stylos Mont-Blanc ».
– Des vrais, mais pas cher.
– Des vrais ? Fais voir la plume, c’est écrit dessus.
– Mais oui, regarde, c’est écrit (il me tend le stylo et je lis « made in China »)
– Tu vois, ce n’est pas inscrit
– Mais oui, insiste-t-il, c’est écrit là, tu ne sais pas lire ?
– Et toi tu sais ? (c’est clair, il ne sait pas).
– Bon, bon, je te les donne (il me les met dans la main), tu es sympa. Je t’invite à la maison, je viens d’avoir deux jumelles et on doit fêter ça. Tu as des enfants ?
– Merci pour l’invitation, mais je n’ai pas le temps.
– Viens, viens à ma boutique, je te donne ma carte. Tu m’appelles et je vais t’aider. Tu es un ami. Tiens, regarde ce sac, il te plait ?
– Tu as vu que je le regardais ?
– Je te le donne, pour rien.
– Combien ?
– 45 000 francs CFA (30 euros)
– Salut, j’ai à faire.
– Bon, 30 000.
– 10 000 pas plus.
– Tu veux me tuer ? (Il regarde son acolyte qui rigole). Il est fou l’ami.
– Ok, salut.
– Allez, va regarde cet autre sac, pour ta fiancée. Je te fais les deux pour 60 000. C’est mon dernier prix.
– Hon, hon
– Et prends les « Mont Blanc », je te les donne avec.
– Ecoute, je ne suis pas venu pour acheter. Tu es sympathique, je t’ai suivi, mais je n’ai pas le temps.
– Tiens, prends une chemise. Elle te plaît celle-ci ?
– Oui, elle est belle.
– Je te la fais pour 30 000. Et tiens, voilà de beaux bijoux pour ta copine. Un bracelet et un collier. Gratis. Je te les donne, ma parole.
– Ok, la chemise, les bijoux, les deux sacs et les stylos, pas les Mont Blanc, ceux-là. Le tout pour 45 000. C’est mon dernier prix.
– Je te dis qu’il est fou, dit-il à son acolyte. Viens, viens manger le couscous pour la nouvelle année des musulmans. Je te fais cadeau. Viens.
– 45 000, c’est tout.
– Tu m’égorges
– Salut (je tends les 45 000).
– Bon d’accord
– Donne moi ce stylo en plus. Allez, tu as gagné ta journée, pas vrai ?
– Oui.
– En tout cas, vous êtes de très bons comédiens tous les deux. La prochaine fois je vous engage.
– Eh l’ami ! Ne pars pas si vite. Tu viens manger le couscous ? J’ai mes petites jumelles qui…
Petit, j’avais honte et regardais mes souliers lorsque ma mère marchandait outrageusement jusqu’à faire gémir le vendeur. Mais elle s’en sortait toujours victorieuse. Je pense à elle en ce moment. Merci, maman.
– C’est la police.
– La police ?
– Nous avons trouvé votre numéro sur un portable volé.
– Celui de Mariann. Vous l’avez trouvé ? Où ça ?
– Dans les chaussettes d’un gars près du théâtre national.
– Et le passeport ?
– Quel passeport ? Où êtes vous ?
– A l’hôtel Atlantic.
– Je viens.
– …
– Oui, allô, je suis là, en bas.
– Bonjour, vous êtes le policier?
– Elève policier.
– Comment l’avez vous trouvé.
– Dans des chaussettes.
– Comment ?
– Vous êtes le propriétaire ?
– Non, la voici.
…
Quelques heures plus tard, Mariann croise le gendarme qui a pris sa déposition et elle lui annonce que le portable a été trouvé.
– Ah ! bon, déjà ? C’est bizarre.
– Par un policier.
– Quoi ? Par un policier ?
– Un élève policier.
– Un élève policier… Bizarre, bizarre… Vous n’êtes as venu reprendre votre déposition.
– J’étais très prise…
– Mouais… suivez moi au poste.
Trois heures plus tard, Mariann ressort avec un rendez vous pour le lendemain matin. Le supérieur du gendarme à qui on ne l’a fait pas, regarde Mariann avec un air étrange. Mariann lit dans ses yeux un peu plus que de la suspicion. Ne serait-il pas en train de se demander s’il n’est pas en présence d’une espèce de… magicienne ?
– Allô?
-Allô, Alain.
– Oui, Oumar…
– Bon, vous êtes programmés demain, à 21 heures à l’Institut Français.
– Enfin.